Fondation Ntarama
Témoignages

Le livre de Mgr André Perraudin

Au moment où le Rwanda enterre ses morts, et la communauté rwandaise et plusieurs amis du Rwanda dénoncent le génocide et ses conséquences; au moment où des enfants mutilés durant le génocide errent sur la colline ou sont internés dans des centres psychiatriques, où de jeunes enfants violées à l’âge de huit ans et contaminées par le virus du VIH n’attendent que la mort, Mgr André Perraudin publie son livre, “Un évêque au Rwanda, témoigne”, un refrain de ses incantations haineuses contre les tutsi. A travers le prisme d’une anthropologie ethno-raciste du début du siècle dernier (Cf. Hans Meyer, Les Barundi, 1916), Mgr Perraudin parle d’une « mentalité de mensonge, de calomnie et de perfidie », qui aurait imprégné les Tutsi.

 Le livre retrace l’activité religieuse du prélat et s’attarde sur le jugement politique qui le conduisit à rédiger sa Lettre pastorale (11 février 1959), prélude des massacres de 1959, 1963, 1973 et le génocide de 1994. Il ne parle presque pas du génocide des tutsi de 1994.

 Chaque fois, Mgr Perraudin prend le soin de justifier les massacres récurrents qui ont frappé les tutsi. Selon lui, les massacres de 1959 étaient la conséquence de « l’aveuglement des Tutsi, qui ont refusé de partager le pouvoir quand il en était encore temps ».

 Quelques mois après le génocide de 1994, Mgr Perraudin s’exprimait dans La Croix: « Il faut souligner que les affrontements qui provoquèrent ces victimes résultaient des attaques de Tutsi réfugiés à l’extérieur du pays ». (Mgr André Perraudin, La Croix, 25 octobre 1995).

 Prenant la guerre comme preuve de légitimité du génocide des tutsi, Mgr Perraudin dit que le génocide de 1994 ne serait qu’une simple réaction de légitime défense de la population hutue. Au final, à l’appui des diverses déclarations faites par Mgr Perraudin, dans le passé et aujourd’hui, il affirme que les tutsi sont responsables de leur propre mort.

A la fin de son livre, Mgr Perraudin écrit : « Sans hésitation on doit affirmer que la première et principale cause du génocide tutsi d’avril 1994 est l’attaque du pays par les Tutsi eux-mêmes ». 

 On s’attendrait à un mea culpa d’une personne assagie par l’âge et attendrie par les horreurs du génocide. Les années n’y ont rien changé : on est devant un jusqu’auboutiste dont le cheval de bataille a toujours été la haine des tutsi.

 Encore une fois le livre-témoignage de Mgr Perraudin se lit comme une illustration de l’argumentation moderne des tenants de la négation du génocide des Tutsi. L’auteur du « livre-témoignage » n’échappe pas à la catégorie de ceux « qui travestissent l’histoire du Rwanda » comme il l’écrit dans son livre.

 Le respect de la mémoire des victimes exige que tout acte dénigrant la portée du génocide soit poursuivi et puni par la loi. Ainsi dans le Code pénal suisse Art 261 bis; «Celui qui publiquement aura incité à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse : celui qui …niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité : …sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende.

 Une telle punition serait à la hauteur des dégâts de la politique ethnisante de Mgr André Perraudin, des dégâts qu’il faut réparer.

  

Fondation Ntarama

Le 14 avril 2003  

© Fondation Ntarama 2003