Fondation Ntarama
Témoignages

APPEL A L'ARRET DE L'EXTERMINATION DES BANYAMURENGE

Vendredi 13 août 2004 à 22 heures, au moment même où s'ouvraient les Jeux Olympiques d'Athènes, célébration majeure du sport des temps modernes,  fête mondiale de la confrontation pacifique, hymne à la jeunesse et à la paix, le rideau rouge des massacres se levait une nouvelle fois dans l’Afrique des Grands Lacs.

 Au Burundi, dans un camp de réfugiés placés sous la protection de l’ONU, des centaines de personnes, essentiellement des femmes, des enfants, des vieillards  Banyamurenge  périssaient dans des conditions atroces. Selon plusieurs témoignages, le massacre des Tutsi Banyamurenge est le fait d'une coalition hétéroclite anti-tutsi impliquant des Burundais FNL (Forces Nationales de Libération) des Congolais Maï-Maï, des Rwandais Interahamwe (milices extrémistes Hutu), des Ex-FAR (Forces armées rwandaises).

 Le lendemain se poursuivait encore le dénombrement des victimes.  Parmi les corps calcinés,  beaucoup de femmes et d'enfants, des bébés déchiquetés à la grenade gisant au milieu des tentes dévastées par le feu. Selon les rescapés du carnage, près de 160 personnes ont été massacrées, par balles, machettes, couteau, houe, grenade, essence ou brûlées vives lors de l'attaque d'un camp de réfugiés Banyamurenge par des assaillants venant du Congo voisin. Les rebelles burundais des Forces Nationale de Libération ont très vite revendiqué le massacre. 

 Depuis mai-juin 2004, des réfugiés Banyamurenge avaient été installés dans le camp de Gatumba à 20 km à l'ouest de Bujumbura et à 4 km de la frontière congolaise. Ils avaient fui le Sud-Kivu à cause de violences dirigées contre eux par les populations locales appuyées par les forces armées congolaises. On parlait à ce moment d'un début d'épuration ethnique.

 La mission onusienne chargée de faire la lumière sur les allégations de planification de l'extermination  des Banyamurenge dans Sud-Kivu a refusé cependant  de tenir compte de leur leurs incessants appels. 

Aujourd'hui, l'ONU se trouve devant une violation des règles du droit international humanitaire: le massacre de populations civiles, de femmes et d’enfants commis par des groupes extrémistes bien identifiables. Il s'agit des mêmes groupes qui sévissaient déjà dans les régions que les Banyamurenge ont dû quitter en mai-juin 2004.

 Comme par le passé, la certitude d'impunité pour les massacreurs  de populations Tutsi, la complaisance des Nations- Unies, l’indifférence de la communauté internationale sont  la raison première de la récurrence des massacres dans les zones fréquentées par les rebelles.

 La question du génocide des Tutsi ne cesse de se poser: plusieurs éléments montrent bien qu'il s'agit ici encore d'un acte de génocide. Il ressort très clairement des cas de massacres portés contre les Banyamurenge,  que ceux-ci ont été désignés comme cible uniquement à cause de leur appartenance ethnique.

"Dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, celui-ci s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:

a)      meurtre de membres du groupe;

b)      atteinte grave à l'intégrité physique ou  mentale de membres du groupe. »

Les tueries ont eu lieu dans une région tout à fait à l'écart des hostilités. Ils ont été planifiés par des miliciens extrémistes Hutu visant les Banyamurenge. Le massacre était dirigé contre des civils, essentiellement des femmes et des enfants. De tels actes sont condamnables en vertu de la Déclaration sur la protection des femmes et des enfants en période d'urgence et de conflit armé (Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1974) "attaquer et bombarder la population civile, causant ainsi des souffrances indicibles, spécialement aux femmes et aux enfants qui constituent la partie la plus vulnérable de la population, est interdit et de tels actes seront condamnés".

 Afin que les crimes contre les Banyamurenge cessent, nous recommandons impérativement une enquête approfondie sur les massacres du camp Gatumba. L'Union Africaine, les Nations Unies et le représentant de l'Union Européenne doivent identifier les auteurs de ces atrocités : les individus impliqués, les  groupes armés concernés, les organisations politiques qui revendiquent de tels actes de barbarie en vue de  considérer ces actes comme des crimes à caractère génocidaire punissables par une cour pénale internationale. L'enquête aura pour objet de déterminer les circonstances et les responsables du massacre, ainsi que les conséquences qu'il a occasionnées. Les auteurs de ces actes doivent être punis en vertu du droit pénal international et frappés de peines appropriées tenant compte de la gravité du massacre.

Ceci en vertu des textes mêmes de L'ONU.

Les Principes de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation, l'extradition et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité (Assemblée générale des Nations Unies le 3 décembre 1973),  parlent de "la nécessité de prendre, sur le plan international, des mesures en vue d'assurer la poursuite et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité". Le texte continue: "Les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, où qu'ils aient été commis et quel que soit le moment où ils ont été commis, doivent faire l'objet d'une enquête, et les individus contre lesquels il existe des preuves établissant qu'ils ont commis de tels crimes doivent être recherchés, arrêtés, traduits en justice et, s'ils sont reconnus coupables, châtiés".

 Enfin, les gouvernements congolais, rwandais et burundais doivent assurer une protection efficace par des moyens appropriés aux personnes et à la communauté des Banyamurenge menacés d'extermination par les groupes extrémistes hutu localisés dans le Kivu.

 

© Fondation Ntarama 2004